“Le dérèglement socio-écologique n'est plus une prédiction, c'est désormais notre quotidien rythmé par les crises. En réaction, nous produisons du développement durable, une injonction de sobriété et surtout beaucoup d'éco-anxiété. Et si nous faisions fausse route ? »
Ainsi démarre « Antidote au culte de la performance, la robustesse du vivant » d’Olivier Hamant, biologiste et chercheur à l’INRAE. Dans ce petit ouvrage, il nous propose une réflexion aussi optimiste qu’audacieuse pour réussir l’immense défi de s’adapter aux crises multiples qui nous attendent, tout en s’inspirant du vivant.
Alors vous imaginez bien, il ne nous en a pas fallu davantage pour l’inviter à prendre la parole dans notre série de webinaires « Quand le vivant inspire l'entreprise ». C’est avec toute sa science, son humilité et son humanité qu’il a saisi l’occasion pour dessiner les contours d’une entreprise qui aurait choisi la robustesse à la performance :
- Une entreprise capable de repenser son organisation autour de ses vulnérabilités
- de remplacer ses extractions par des interactions
- de choisir la sous-optimalité à l’optimisation et au contrôle.
En 1 mot, une entreprise capable de faire face au monde fluctuant et incertain qui nous attend. On vous raconte.
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Le constat de départ : addiction à la performance & instabilité du monde ne font pas bon ménage
Olivier Hamant dresse un triple constat.
« LeXXIème siècle sera fluctuant »
Les constats scientifiques convergent : Les crises environnementales, sociales et économiques s’accentuant partout dans le monde, la stabilité sur laquelle nous avons bâtie notre société actuelle est révolue. Le XXIème siècle sera fluctuant et l’avenir incertain.
« Notre société est droguée à la performance »
La performance est partout. Il faut allier efficacité (faire le maximum) et efficience (avec le minimum de moyens posibles), partout et tout le temps, quitte à détruire nos ressources ou notre santé.
- Nos athlètes sont prêts à se droguer pour améliorer leurs performances
- Notre agriculture est devenue intensive, quitte à détruire les écosystèmes dont elle dépend
- Nos héros sont devenus des supers héros, car les humains ne suffisaient plus…
"La performance est une impasse dans un monde incertain"
"Quand on a atteint notre objectif, c'est qu'on a raté tous les autres." nous explique Olivier Hamant. Choisir la performance, c’est se fixer un objectif et mettre tous nos moyens à l’atteindre. Ainsi, on réduit notre vision du monde et nos champs des possibles. Ce qui n’était pas forcément un problème dans un monde aux ressources infinies, le devient quand on prend en compte les limites planétaires.
Face à l’instabilité qui nous fait face, nous avons besoin d’ouvrir le champ des possibles pour se laisser de la latitude d’action. Ëtre dans le contrôle et l’optimisation nous enferre dans une voie étroite qui fragilise nos organisations.
Alors que faire ? Olivier Hamant nous propose de troquer la notion de performance pour celle de robustesse.
Qu’est-ce que la robustesse ?
Olivier Hamant définit la robustesse comme “le maintien d’un système stable malgré les fluctuations.”
Le vivant est maître dans l’art de la robustesse puisqu’il a su s’adapter et survivre à 3,8 milliards d’années de fluctuations. Quelles leçons nous livre-t-il ?
Le vivant est inefficace, aléatoire, redondant, incohérent et inachevé. En 1 mot, le vivant est tout sauf performant et c’est probablement dans cette sous-optimalité avérée que réside la clé de sa robustesse.
Prenons l’exemple de la photosynthèse.
Le rendement de la photosynthèse est de 1% quand le rendement d’un panneau photovoltaïque s’élève à 15%.
Cela signifie que les plantes gâchent 99% de l’énergie solaire qu’elles reçoivent et que malgré leurs milliards d’années d’existence, elles n’ont pas optimisé ce processus.
Ce qui semble être une contre-performance à première vue est pourtant la clé de leur réussite. Les plantes ont réussi à s’implanter sur la quasi-entièreté du globe et sont capables de survivre à des variations lumineuses immenses (le jour et la nuit, l’hiver et l’été…).
En ne visant ni le maximum ni même l’optimum, la sous-optimalité offre la capacité à parer les aléas et à créer des systèmes robustes.
Le parallèle fonctionne avec le système de production d’une usine par exemple. En choisissant de fonctionner à 80% de sa capacité de production, une usine se laisse de la marge de manœuvre en cas de panne de machine ou de grosse commande. Si elle fonctionne à flux tendus en permanence, au moindre pépin, la machine s’enraye. Une illustration parfaite de la dialectique entre performance et robustesse.
De l’adaptation à l’adaptabilité
Privilégier la robustesse à la performance, c’est choisir l’adaptabilité à l’adaptation.
Les mots se ressemblent et pourtant ils reposent sur des stratégies opposées.
- L’adaptation consiste à anticiper l’avenir et optimiser ses atouts pour s’y préparer
- L’adaptabilité impose au contraire de se construire sur ses points faibles pour créer une diversité de solutions afin de faire face à un monde imprévisible.
Comment penser une entreprise robuste ?
« Pour devenir robuste, il faut s'inspirer des contre-performances au sein de son entreprise » nous explique Olivier Hamant.
Il prend l’exemple de la pause-café. Ce qui, à première vue, semble du temps perdu pour l’entreprise, un manquement à la production et à la productivité, est un réalité un puissant outil de la robustesse.
A la pause-café, les salariés multiplient les interactions. C’est souvent l’espace dans lequel se développe le sentiment d’appartenance à l’entreprise, dans lequel les idées et les innovations émergent grâce aux échanges aléatoires qui peuvent s’y produire. La multiplication des interactions est une des clés de la robustesse.
Autre piste pour devenir robuste : se construire sur ses points faibles.
Et si, au lieu de chercher à les éviter, nous envisagions les fluctuations qui risquent de nous mettre à terre pour bâtir notre robustesse dessus.
Quels effets auraient sur mon entreprise une augmentation de 30% des coûts de l’énergie ? Envisager cette hypothèse pourrait inciter l’entreprise à investir dans des solutions pour gagner en autonomie énergétique (panneaux solaires et solutions d’autoconsommation…).Ce qui semble une dépense absurde au regard de la performance immédiate de l’entreprise devient un outil de sa robustesse à moyen terme.
Autre exemple : que se passerait-il si mon site de production subissait une grosse inondation ?Est-ce que mon activité serait entièrement bloquée ou est-ce que la diversité des activités que je mène me permettrait de rebondir en m’appuyant sur d’autres ressources ?
Intégrer la robustesse dans son entreprise : une méthodologie en 3 étapes
Pour conclure, Olivier Hamant nous propose une méthodologie en 3 étapes pour intégrer la robustesse à son entreprise.
- Questionner les questions :
En général, on cherche à sauter le plus rapidement possible à la solution ce qui nous amène à apporter la meilleure réponse à la mauvaise question.
Olivier Hamant nous donne l’exemple du passage du « tout thermique » ou « tout électrique » sans questionner l’usage de la voiture. Si, sous l’angle unique de la consommation de CO2, le passage au tout électrique semble être une avancée. Cela se questionne si on regarde le problème sous l’angle de l’extraction de matières premières, de dépendance aux métaux rares et de la consommation d’eau par exemple.
Prendre le temps de bien définir son problème pour pouvoir trouver les solutions adéquates est donc la première étape indispensable à toute entreprise robuste.
- Construire un projet qui alimente la santé humaine, sociale et celles des milieux naturels
Les 3 dimensions sont intrinsèquement liées. Il n’y a pas de santé humaine sans santé sociale qui elle-même repose sur la santé des milieux naturels. Intégrer cette pyramide à son projet d’entreprise permet de construire une architecture robuste.
- Faire des tests de fluctuations
La troisième étape consiste à poser des hypothèses de fluctuation, comme vu dans le paragraphe précédent (augmentation du prix du pétrole de 30%, inondation sur son site de production…) et de construire des scénarios pour s’adapter à ces situations.
Au terme de cet exercice, soit le modèle passe les 3 étapes et nous avons réussi à construire un business model robuste, soit il faut repartir à zéro et réfléchir à nouveau à la question initialement posée jusqu’à trouver le bon problème.
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