L'amnésie environnementale

Former la société aux enjeux du climat et de la biodiversité

Mar 2023

Je crois fermement que le moyen le plus efficace de nous sortir de cette impasse (l’inaction face à la destruction des écosystèmes et à la crise climatique, ndlr) est de nous éduquer, nous-mêmes et les autres. Parce que dès lors que l'on comprend la situation dans laquelle on se trouve, une fois qu'on a une vision globale des choses, on sait plus ou moins ce que l'on a à faire. Et - ce qui est peut-être tout aussi important - on sait ce qu'on ne doit pas faire.” Greta Thunberg dans le Grand Livre du Climat. 

L’humanité et toute la matière organique que nous connaissons vit aujourd’hui dans un système fini qui s’appelle la Terre. 

Par définition, un système fini a une fin. Les ressources dont il regorge ne sont pas illimitées, l’équilibre qui le compose et qui régit nos conditions d'habitabilité est fragile et les écosystèmes qui le composent ne sont pas capables d’absorber à l’infini les pressions que l’être humain lui inflige. 

Pourtant, nos sociétés ont-elles conscience aujourd’hui de ce que sont les limites planétaires ? Ou au moins en ont-elles déjà entendu parler ? Connaissent-elles de manière systémique les impacts directs et indirects de leurs actions sur l’équilibre du climat et de la biodiversité ? 

En France, selon une étude du think tank The Shift Project, en 2019, seulement 11% des cursus universitaires intégraient les enjeux socio-écologiques au sein de leurs programmes. Ce chiffre n’est aujourd’hui plus d’actualité mais témoignait d’un manquement flagrant de la prise en compte de ces enjeux dans nos formations. 

Sans parler du manque d’éducation environnementale pendant toute notre enfance à l’école. 

Comment prétendre vivre dans un monde dont on ne connaît pas les limites ? Comment espérer faire évoluer un système qui place toujours l’environnement au second plan et la création de richesse économique comme indicateur phare du progrès ?

Aujourd’hui, “notre société donne priorité à ce qui est pratique, elle valorise l'excès, encourage la concurrence et nous cache le coût véritable de notre mode de vie, en négligeant le fait que les pires conséquences pèseront sur les animaux et les personnes des générations futures.” Annie Lowrey, Le Grand Livre du Climat

Nous savons désormais que si nous ne modifions pas drastiquement les manières de fonctionner de nos sociétés et si nous ne mettons pas clairement en marche les transformations de celles-ci, nous ferons face à une érosion irréversible de la biodiversité et une élévation des températures qui dépassera nos capacités d’adaptation.

Mais comment changer si on ne sait pas faire ? Vers quoi transformer si on ne sait pas où aller ? Comment se projeter si on n’est pas capable d’imaginer de nouveaux futurs ?

C’est tout l’enjeu de l’éducation. Comprendre, c’est le début de tout. 

Connaître les limites du système Terre c’est savoir vivre en harmonie avec lui. Être capable de remettre en question nos fonctionnements, c’est mettre en marche la transformation de nos sociétés vers des modes de vie soutenables.  

L’éducation oui, mais auprès de qui ? Société civile, monde de l’entreprise, État et collectivités, système éducatif, nous verrons qu’il est clé de transformer les 4 en même temps. 

Quelle place laisser à l’éducation autour des enjeux environnementaux ? À quels besoins répondre ? Comment impliquer chaque partie prenante de la société ?

Former le monde de l'entreprise

La nécessaire transformation du rapport de l'entreprise à l'environnement

Pendant trop longtemps, les entreprises ont suivi les règles d’une société tournée vers le profit et l’exploitation de l’environnement, considérant les écosystèmes comme un endroit où on peut se servir gratuitement sans se soucier des impacts que ça cause.

Il n’en est pourtant rien, les ressources ne sont pas illimitées, elles s’épuisent, et détruire notre environnement entraînera tout au tard des conséquences néfastes pour les conditions d’existence de la société telle que nous la connaissons, les entreprises et plus largement sa population.  

Que ce soit pour faire face aux risques induits par le changement climatique ou par l’érosion de la biodiversité, anticiper un cadre réglementaire logiquement plus exigeant, répondre à des enjeux de marque employeur, d’image de marque ou de raison d’être, les entreprises doivent se transformer.

Celles-ci sont à l’avant-garde des transformations que nos sociétés doivent mener. Car elles font partie d’un système économique aujourd’hui dépendant du bouleversement des écosystèmes que nous connaissons, et parce qu’elles sont directement ou indirectement en contact avec la société civile, qui consomment les produits et services qu’elles produisent.

Au même titre que l’État et que les individus, les entreprises doivent comprendre qu’elles vivent dans un environnement fini et que leur finalité n’est pas le seul gain financier et leur valorisation à court terme mais bien un équilibre entre finalité économique, sociale et environnementale. 

Elles doivent comprendre qu’elles ont un rôle fondamental à jouer dans la lutte contre la dégradation des écosystèmes et l’augmentation des températures. 

Et on ne parle pas de verdir un peu sa communication ou de planter des arbres à l’autre bout du monde (coucou le greenwashing). Non non, on parle bien de transformation structurelle du fonctionnement des entreprises. 

Les entreprises sont peut-être les acteurs ayant la capacité d’impact la plus forte puisqu’elles agissent directement sur les comportements des particuliers, à travers les produits et services qu’elles proposent, ou à travers la sensibilisation qu’ils apportent à leurs collaborateurs.  

Et par rapport aux autres parties prenantes de la société, ce sont peut-être elles qui sont les plus rapidement capables de se transformer. Elles savent s’adapter, elles savent prendre des décisions et elles peuvent se mettre rapidement en ordre de marche. 

L’entreprise régénérative ou la permaentreprise en sont de très bons exemples. Nous explorerons ces approches nouvelles dans un prochain article.

Mener ces transformations ne se fait pas d’un claquement de doigts, c’est l’ensemble des collaborateurs.trices qui vont devoir être formé.e.s à de nouvelles pratiques et de nouveaux métiers. On sait d’ailleurs depuis quelques années que le monde de l’entreprise est en demande. 

Les salariés en demande de formation

Le paysage de l’emploi s’agite en France. Depuis quelques années, on observe une envie et un besoin de plus en plus fort des salariés à se former et à acquérir de nouvelles compétences autour des enjeux de la transition écologique. 

Selon une étude de l’Ademe pour Linkedin et l’institut CSA sortie en juin 2021

  • 68% des salariés veulent être formésaux enjeux de la transition écologique dans leur entreprise
  • 42% “des salariés souhaiteraient, sur le long terme, changer de métier ou se reconvertir pour exercer un emploi plus en lien avec l’écologie”. Pour les moins de 35 ans, ce chiffre monte à 52%. 

Selon l’étude CEGOS (Mobiliser les équipes et développer les compétences pour passer à l’action) sortie en mai 2021, 75% des salariés aimeraient recevoir des formations pour appliquer le développement durable et la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) dans leurs métiers.

Enfin, selon le baromètre RSE 2022 produit par Vendredi, pour 50% des 790 entreprises interrogées,  la formation aux enjeux du dérèglement et de la transition est un axe à développer. 

Même si nous estimons aujourd’hui que l'heure n’est plus à la RSE, mais bien à une transformation plus structurelle des fonctionnements et de la raison d’être des entreprises, il est encourageant de souligner l’intérêt grandissant des salariés pour ces sujets. Car une des clés pour que les transformations des entreprises se fassent efficacement, c’est l’acceptabilité de celles et ceux qui sont directement concernés. 

En allant plus loin et en dépassant le cadre de l’individu dans l’entreprise, on peut remarquer que la dynamique transformatrice est aussi en marche dans le fondement des entreprises, et que celles-ci prennent de plus en plus la mesure de la nécessité à se former pour se transformer. 

Les mouvements d'entreprises qui accompagnent la transformation

Car les entreprises sont une partie prenante de la société nécessaire à transformer pour diriger nos sociétés vers des modes de vie soutenables et en accord avec les limites planétaires, de nombreux groupements d’entreprises ont vu le jour depuis ces dernières années et ne cessent de placer la formation et la sensibilisation au coeur de leurs propositions.

Le Mouvement Impact France

Mouvement d’entrepreneurs et de dirigeants qui placent l’impact écologique et social au cœur de leur entreprise, le Mouvement Impact France  souligne dans son rapport “Pour une relance par la transition sociale et écologique” que “Pour faire évoluer les modes d’organisation et de fonctionnement des entreprises, il est essentiel de faire aussi évoluer les modalités de compréhension des enjeux et donc la formation des salariés et dirigeants.

On compte aujourd’hui au moins 110 formations (universités, formations continue et grandes écoles) qui permettent chaque année à pas moins de 60 000 personnes de se former et s’outiller à ces enjeux. 

C’est largement insuffisant pour répondre à un besoin urgent de changer de paradigme dans la durée” poursuit-on dans la lecture du rapport. “L’ambition devrait être de former et mettre en mouvement au moins 10% de la population active en 5 ans (Soit 600 000 personnes par an, 10 fois plus qu’aujourd’hui)

La Convention des Entreprises pour le Climat

La convention des entreprises pour le climat (CEC) est une association créée en décembre 2020 dont la vocation est d’organiser des parcours de prise de conscience et de transformation pour les décideurs économiques.

Entre 2021 et 2022, sous l’égide de la CEC, 150 entreprises (TPE, PME et Grandes entreprises) ont travaillé, sous le même format que la convention citoyenne pour le climat, à la production d’un rapport présentant la nécessité d’une grande bascule de l’entreprise classique vers l’entreprise régénérative

Régénérer, c’est aller au-delà de la réduction d’impacts négatifs ou de leur neutralisation pour s’engager vers la génération d’impacts positifs nets pour les écosystèmes et la société”. (Article sur l’entreprise régénérative à venir)

On peut d’ailleurs lire dans leur rapport qu’un des leviers à activer pour basculer les entreprises vers des modèles régénératifs est de “Transformer le management & les collaborateurs : gouvernance, leadership, management, transformation de l’emploi, formation, sensibilisation

Aussi, au début de l’année 2022, 3 dirigeants d’entreprises participantes à la production de ce rapport, ainsi qu’un représentant de la CEC étaient auditionnés par la Commission Développement Durable de l’Assemblée Nationale pour partager leurs pistes de propositions. Parmi celles-ci, “la formation aux enjeux environnementaux” était évoquée.

Le Grand Défi des Entreprises pour la Planète

Sur le même modèle, le Grand Défi des entreprises pour la planète a mobilisé au cours de l’année 2022 PME, ETI, Grandes entreprises mais aussi salarié.e.s, étudiant.e.s et représentant.e.s d’associations dans la formulation de 100 propositions pour accélérer la transition écologique de l’économie et des entreprises. 

Parmi ces 100 propositions, plusieurs soulignent une nouvelle fois la nécessité de la formation :   

  • G1 : La sensibilisation aux enjeux liés à la biodiversité
  • E1 : Rediriger les fonds de reconversion professionnelle vers les métiers à impact environnemental positif. 
  • E2 : Inciter la formation de l’ensemble des salariés aux enjeux environnementaux. 
  • E4 : Rendre obligatoire la formation auprès des administrateurs d’entreprises 

Une chose est claire, comprendre et se former aux enjeux du climat, de la biodiversité et de la transition écologique est clé dans les transformations qui nous attendent, et les entreprises commencent à en prendre la mesure.

C’est pour accélérer la capacité des entreprises à se former que nous proposons chez rivaje des formations autour des enjeux du climat et de la biodiversité.

Former les particuliers et la société civile

Le rôle des actions individuelles

Que penser de la mise en action de la société civile, de l’engagement personnel et des petits gestes ? 

On entend beaucoup que ça n’est pas aux particuliers de changer, mais d’abord à l’État de mettre en place des changements structurels et de réglementer en faveur de l’environnement ou que c’est aux entreprises de proposer des produits plus respectueux de l’environnement.

On entend beaucoup qu’il est irresponsable de laisser porter la seule charge de la responsabilité sur les particuliers. 

Tout ça est vrai. Mais ça ne doit pas non plus nous laisser penser que les comportements individuels n’ont pas leur place dans les transformations qui nous attendent.

Alors oui les particuliers ne peuvent pas tout endosser et les transformations des sociétés que nous devons mettre en place ne peuvent reposer sur les seuls comportements individuels. Car ça ne sera pas suffisant, et ça serait foncièrement injuste. 

Pourtant, on sait aujourd’hui qu’agir sur ses comportements individuels permettrait de réduire de manière significative les émissions de gaz à effet de serre. 25% de réduction, c’est le chiffre que l’on entend beaucoup. Bien compris, il témoigne de l’impact non négligeable qu’agir sur ses comportements individuels aurait.  

On peut aussi considérer que finalement, c’est les particuliers et la société qui influencent les choix des entreprises et des politiques. Car si l’ensemble de la population décide d’arrêter de consommer un produit, vous pouvez être sûr que l’entreprise qui le produit arrêtera de le vendre. 

Évidemment il est compliqué de faire en sorte que toute la population se mette à changer ensemble et en même temps ses pratiques, car on n’a pas tous les mêmes besoins, on ne vit pas tous dans les mêmes conditions et on est loin d’être tous égaux face aux difficultés de la vie, mais ça montre la force que la société civile peut avoir. 

Alors oui, ça n’est pas simple, car à la fin, c’est bien les paradigmes de nos sociétés qui doivent se transformer. Et les seuls comportements individuels ne suffisent pas. 

Trop souvent confronté aux comportements collectifs, l'intérêt des comportements individuels témoigne de cette complexe mise en marche de chaque partie partie prenante de la société qui doit se faire.

Une société en demande de formation

Selon un sondage de l’IFOP publié en 2021, 84% français sont d’avis que le développement durable devrait constituer un enseignement obligatoire dans l’ensemble des formations professionnelles et supérieures

Et plus des ¾ d’entre eux pensent que les enfants devraient être sensibilisés aux enjeux du développement durable dès la maternelle ou l’école primaire.

Selon une étude menée par l’Ademe en 2021, 26% des répondants considèrent que ce sont les citoyens qui ont le plus grand rôle à jouer dans la transition écologique. Et d'après un sondage BVA exclusif pour le Nexans Climate Day, un Français sur trois se dit prêt à consacrer un peu de son budget pour lutter contre le réchauffement climatique.

Aussi, un rapport de l’Ademe sorti en 2022 appui l’intérêt d’amener plus de sensibilisation et de formation auprès de la population

  • 62% des français estiment “qu’il faudra modifier de façon importante nos modes de vie” (Contre 56% sur la période 2006-2021) à l’avenir
  • 78% des français expriment le souhait de voir la société se transformer (+5pts par rapport à 2021)
  • 72% considèrent que les “les conditions de vie deviendront extrêmement pénibles d’ici 50 ans” du fait des conséquences du réchauffement climatique (+8pts par rapport à 2021)

Enfin selon l’observatoire des perspectives utopistes (Mars 2022), entre 3 modèles de sociétés présentés à un échantillon représentatif de la population française, c’est l’utopie écologique qui apparaît comme l’utopie préférée de 51% des français (devant la société sécuritaire à 39% et techno-libérale à 10%)

L’ObSoCo | L’ADEME | BPI France Le Lab – Observatoire des perspectives utopiques des Français – Mars 2022

Qui dit transformation souhaitée, dit éducation nécessaire. 

En mai 2022, le mouvement Pour un réveil écologique a d’ailleurs lancé une vaste campagne d’affichage dans les couloirs du métro parisien en invitant les usagers à lire le dernier rapport du Giec. «Beaucoup de gens pensent être informés mais ne le sont pas tant que cela», déclarait Lou Valide, militante de l’association. 

Former l'État et les collectivités

La réponse à la question « Devons-nous nous concentrer sur les changements individuels ou systémiques ? » est : absolument, l'un ne va pas sans l'autre.” Greta Thunberg, Le Grand Livre du Climat

Transformer structurellement nos sociétés, c’est la clé pour engager efficacement les transformations nécessaires à l’atténuation de nos pressions sur la Terre. 

C’est d’ailleurs ces transformations structurelles qui faciliteront les modifications de nos modes de vies, car nos vies sont intimement liées à la manière dont est régie la société : transport, rapport au travail, alimentation, logement. 

Il est en effet difficile d’envisager la transformation de nos modes de vie si on n’est pas accompagné par des changements structurels des sociétés, ou si celles-ci continuent de fonctionner sur le même logiciel qu’avant (c’est-à-dire un fonctionnement qui ne prend pas compte des limites planétaires, un système qui place l’économie avant tout, et qui place l’environnement, les écosystèmes et l’humain en second plan). 

Et pour accompagner ces transformations structurelles, c’est celles et ceux qui organisent la société dans ses règles qui doivent être formés.

La mise en marche de la formation chez les fonctionnaires

On peut voir l’année 2022 comme un tournant dans la prise en compte de l’éducation aux enjeux du climat et de la transition écologique. 

Au lendemain des élections présidentielles de la même année, de nombreuses initiatives ont été proposées pour enclencher la formation des pouvoirs publics. 

« Le temps de tirer la sonnette d’alarme est venu et vous oblige, vous et votre gouvernement, à faire de la transition écologique votre priorité », écrivaient Jean-Marc Jancovici, Cyril Dion, Camille Etienne, Dominique Meda et d’autres personnalités dans une lettre ouverte au président français Emmanuel Macron. Dans cette lettre était entre autres demandé au président et à ses futurs ministres de suivre une formation sur les enjeux de la transition écologique. Rien de plus logique, car c’est au final eux qui sont “aux manettes” et qui vont initier les nouvelles politiques du pays dans les années à venir.

La Première ministre Élisabeth Borne a d’ailleurs entendu l’appel puisqu’elle a peu de temps après annoncé qu’en plus des équipes ministérielles, 25000 fonctionnaires cadres seraient formés. “Y’a plus qu’à” comme on dit. 

Quelques jours plus tard, et au lendemain des élections législatives de juin 2022, plusieurs dizaines de scientifiques se sont relayés pendant 3 jours aux portes de l’Assemblée Nationale pour sensibiliser les députés nouvellement élus à l’urgence climatique et à la crise de la biodiversité.

Petr Kovalenkov/Shutterstock

Fin 2022, on observe un début de concrétisation de ces annonces puisque ¾ des 200 hauts fonctionnaires auraient suivi les premières étapes d’une formation à la transition écologique

Bilan : “Prise de conscience personnelle pour certains, confirmation de leurs craintes pour d’autres et, pour tous, compréhension de la nécessité d’agir…

Le plan doit à ce titre s’étendre à l’ensemble des membres des fonctions publiques d’Etat, hospitalières et territoriales d’ici 2027, soit pas moins de 5,7 millions d’agents. 

C’est une avancée encourageante puisqu’elle témoigne de l’intégration des enjeux environnementaux dans toutes les politiques publiques. La mesure de réussite sera désormais de voir l’efficacité de mise en application des savoirs acquis dans les politiques publiques.

Si toute la sphère administrative reçoit de telles formations, on peut imaginer une mise en marche en conscience des transformations de nos sociétés, qui doit aller de pair avec la transformation des paradigmes de nos sociétés. Notamment sur les enjeux de redéfinition du progrès et de la croissance pour un pays.

Renforcer la formation chez les étudiants

Nous le disions en introduction, selon un rapport réalisé par le think tank The Shift Project en 2019, seulement 11% des cursus intégraient les enjeux socio-écologiques

Pourtant, transformer nos sociétés et changer nos paradigmes ne se fera pas sans compétences et sans avoir compris la hauteur des enjeux. 

Il est donc essentiel que la société soit aussi formée le plus tôt possible, et donc que les enjeux intègrent les cursus pédagogiques de toutes les formations.

Une demande de formation croissante chez les étudiants

Et les étudiants eux-mêmes l’ont bien compris. 

Depuis quelques années maintenant, on assiste à une exigence croissante des étudiants dans l’apport de ces enjeux dans les programmes pédagogiques. Comme en témoignent de nombreux cris d’alertes lancés dans de nombreux cursus en 2022. 

À l’école Polytechnique où les étudiants ont appelé à la sobriété et à un changement de paradigme lors de la remise des diplômes de 3 promotions qui a eu lieu en juin 2022 : «Nous n’avons plus le temps de nous donner bonne conscience ou de nous voiler la face. Nous devons résoudre en trente ans le défi écologique, un défi dont l’enjeu est la possibilité même de soutenir la vie.»

À l’école de commerce HEC, Anne-Fleur Goll déclarait à son tour en juin 2022 lors de sa remise de diplôme : «Nous avons, dans ces décennies de vie professionnelle, l’opportunité de marquer l’histoire. HEC nous ouvre beaucoup de portes. C’est maintenant notre responsabilité d’utiliser ces portes ouvertes pour changer les règles. », comme refuser “les missions écocides”, «les voyages d’affaires en avion» ou encore «le greenwashing».

Les étudiants s’emparent donc du problème et constatent eux aussi que quelque chose ne tourne plus rond, qu’on ne peut plus s’enliser dans des dogmes destructeurs pour la planète. 

D’ailleurs, en juin 2022, une étude du WWF et de Pour un réveil écologique révélait que 75% des étudiants en finance souhaitaient plus de cours sur la transition écologique

Le tournant semble se diriger dans la bonne direction.

Les écoles modifient leurs programmes

Que ce soit pour attirer plus d’étudiants ou parce qu’elles sont de plus en plus conscientes des enjeux, on assiste à un enrichissement de plus en plus fort des programmes autour de ces enjeux. 

La décroissance par exemple, alors que cette notion était il y a peu tabou dans l’économie et encore plus dans les écoles de commerce, temple de la croissance, elle commence à s’inviter dans celles-ci (sur le campus de l’ESCP notamment). Que ce soit pour la questionner ou l’enseigner, le plus important est que cette notion, clé dans les enjeux de transformation de nos sociétés, devienne désormais une perspective dans les champs de pensées des économies de demain. 

De son côté, l’école des Mines a déjà commencé à revoir son programme pédagogique en abordant désormais le changement climatique sous les angles industriels, environnementaux, économiques et sociaux. 

Nik - Unsplash

L’option ingénierie des low-tech a fait son apparition à l’école Centrale de Nantes. 

Kedge Business School a lancé en 2016, le tout premier master de France et d’Europe dédié à la finance responsable

Et l’institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon consacre depuis la rentrée 2022 vingt-quatre crédits étalés sur les 5 ans de formations aux enjeux climat et énergie. 

De son côté, le think tank The Shift Project continue son travail d’intégration des enjeux au sein des programmes de l’enseignement supérieur avec la publication de son dernier rapport sur l’intégration des enjeux écologiques dans les formations de l’enseignement supérieur. L’objectif est de pouvoir proposer une méthode opérationnelle pour intégrer les enjeux écologiques dans les enseignements en gestion.

Les limites dans l'enseignement

Ces initiatives sont encourageantes mais sont loin d’être suffisantes, car ponctuelles et ne concernent pas tous les programmes. 

Clémence Vorreux, chargée de l’enseignement supérieur pour The Shift Project déclare d’ailleurs « De nombreuses écoles d’ingénieurs butent encore sur le techno-solutionnisme [la confiance en la technologie et ses progrès pour résoudre les grands problèmes]. Du côté des écoles de commerce, les débats portent plutôt sur la question de la croissance. Lorsque le corps professoral ne parle pas d’une même voix, on peut se retrouver avec des enseignements contradictoires, et les étudiants sont perdus. »

Le chemin est encore long, mais on assiste à des progrès qui ne doivent pas s'essouffler. 

Car on ne le répètera jamais assez, pour réussir à transformer nos sociétés, encourager le passage à l’action et l’éducation sont le début de tout.

Pour aller plus loin

  • Le Grand Livre du Climat, Greta Thunberg, Éditions Calmann Levy, 2022

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