On entend parler du poids que les pays occupent dans la part des émissions mondiales de gaz à effet de serre. On entend parler d’empreinte carbone par individu et de responsabilité des États dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. On parle beaucoup de CO2, mais moins des autres sources d’émissions.
Quelle différences y a-t-il entre les émissions intérieures et les émissions importées ? Quelles sont les responsabilités des États face au réchauffement climatique ? Quels sont les secteurs qui émettent le plus ? En France et dans le monde.
Nous allons tenter de dresser un état des lieux de ce que sont les émissions de gaz à effet et d’où elles proviennent. Nous n’aborderons pas ici les mécanismes physiques qui induisent le réchauffement climatique, mais dresserons un bilan de la situation des émissions aujourd’hui, les quantités émises, leurs répartitions par État et par secteur.
Co2, Méthane, Protoxyde d’azote : les différents types d’émissions de gaz à effet de serre.
Les gaz à effet de serre (ou GES) sont des gaz naturellement présents dans l’atmosphère. Ils emprisonnent les rayons du soleil de manière à réchauffer la température à la surface de la Terre. A forte concentration, ils sont responsables de l’augmentation de la température à la surface du globe.
Lorsqu’on parle de climat et de réchauffement climatique, on parle souvent de dioxyde de carbone (CO2) comme principal gaz responsable de l’augmentation de l’effet de serre et donc du réchauffement climatique. Pour autant, d’autres gaz existent et l’augmentation de leur concentration dans l’atmosphère est aussi responsable du réchauffement climatique. Ils sont au nombre de sept (classés par ordre d’importance dans l’atmosphère)
La vapeur d’eau (H2O)
Créée par l’évaporation de l’eau présente à la surface de la Terre.
Le dioxyde de carbone (CO2)
Son augmentation est en grande partie due à l'activité humaine. En cause, la combustion d’énergies fossiles comme le charbon, le pétrole ou le gaz, la déforestation, la sidérurgie et autres activités industrielles. Au niveau naturel, la décomposition des matières animales et végétales produit aussi du CO2. Ce gaz peut rester jusqu’à 120 ans dans l’atmosphère.
Le méthane (CH4)
Il est créé à plus de 50% par l’activité humaine avec l’agriculture, le traitement des déchets ménagers et les externalités liées à l’exploitation des énergies fossiles (fuites etc.). Au niveau naturel, il est aussi causé par la décomposition de matières végétales. Son pouvoir de réchauffement est 25 fois supérieur à celui du CO2.
Le protoxyde d’azote (N2O)
Aussi produit par l’activité humaine en partie à cause de l’agriculture (gaz présent dans les engrais), l’industrie chimique et les combustions fossiles et de biomasse.
L’ozone (O3)
Émis par l’activité industrielle, l’ozone joue différents rôles en fonction d’où il est situé dans l’atmosphère. À haute altitude (stratosphère), il exerce un pouvoir de filtration des UV du soleil (nocif pour la vie sur Terre), mais à basse altitude (troposphère), il renforce l’effet de serre et à un impact nuisible sur l’agriculture.
Les gaz fluorés (CFC, HCFC, HFC, PFC etc.)
Issus des systèmes de refroidissement (comme les solvants ou la production d’aluminium) leurs pouvoirs de réchauffement sont très importants puisqu’ils varient entre 1300 et 11700. Dans les hautes altitudes, les HCFC et les CFC provoquent la destruction de la couche d’ozone.
L’hexafluorure de soufre (SF6)
Utilisé dans les transformateurs et les doubles vitrages, sa quantité est très limitée, mais il dispose d’un pouvoir de réchauffement 23900 plus important que le CO2.
Nous aborderons dans un autre article les caractéristiques physiques de l’effet de serre et de comment l’augmentation de gaz dans l’atmosphère agit sur le réchauffement climatique (effet de serre, forçage radiatif etc).
Depuis plusieurs décennies, nous assistons à une progression exponentielle de la présence de ces gaz dans l’atmosphère. À concentration trop importante, ils constituent la raison première du phénomène de réchauffement climatique. Et l’être humain est responsable de ces émissions.
Mais alors quels sont les secteurs qui émettent le plus ? En quoi notre mode de vie est-il responsable de ce phénomène ?
La répartition des émissions de gaz à effet de serre dans notre vie de tous les jours
Réduire de 55% nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 est la première étape pour arriver à la neutralité carbone d’ici à 2050. Mais pour réussir à atteindre cet objectif, il est primordial de comprendre quels sont les secteurs de notre société qui sont responsables de ces émissions. Une piqûre de rappel sur l’état global de nos émissions aujourd’hui s’impose alors.
En 1950, nous avions émis 5 Gt (gigatonnes) de CO2 dans l’atmosphère. En 2020, ce chiffre était de 37 Gt, soit une augmentation exponentielle de 640% des émissions en l’espace de 70 ans. Les raisons principales : la combustion des énergies fossiles nécessaire au développement industriel de nos sociétés.
Pour mesurer la concentration en CO2 dans l’atmosphère, une unité de mesure appelée ppm (partie par million) est utilisée par la communauté scientifique. Il correspond au nombre de molécules de polluants que l’on trouve dans un million de molécules d’air. Et 450 et le nombre de ppm que nous ne devons pas dépasser pour contenir le réchauffement climatique à 2°C.
En 2021, nous dépassions les 420 ppm de CO2 dans l’atmosphère selon l’Agence nationale américaine Earth Systems Research Laboratories. Une quantité jamais atteinte depuis plus de 2,5 millions d’années. Et au cours du 19ème siècle, nous n’avions pas excédé les 300 ppm.
Alors quels sont les secteurs de nos sociétés qui émettent le plus ?
Les secteurs d'activité émetteurs de gaz à effet de serre
Depuis le début de l’ère industrielle, la transformation de nos modes de vie a drastiquement impacté les conditions du climat sur Terre. En cause, les émissions de gaz à effet de serre issues du développement de nos sociétés.
En 2021 en France, les secteurs d’activités responsables de ces émissions était les suivants :
Précisons ici que les données présentées ne comptabilisent pas les émissions importées. Nous y reviendrons un peu plus bas.
A échelle mondiale, on observe une répartition différente entre les secteurs. Le GIEC en dresse le bilan suivant
- Production de chaleur et d’électricité (25%)
- Agriculture, foresterie et utilisation des sols (24%)
- Industrie (21%)
- Transports (14%)
- Autre production d’énergie (10%)
- Bâtiments (6%)
On observe alors des écarts de répartition des émissions par secteurs entre la France et le reste du monde. Ces écarts sont notamment causés par des modes de vie différents en fonction du développement économique des pays et du caractère mondialisé de nos sociétés.
Une chose est sûre, les secteurs qui émettent le plus de CO2 sont ceux qui consomment le plus d’énergies fossiles. On retrouve alors sur le podium le transport et le bâtiment, puis vient le secteur de l’agriculture du fait de la déforestation, de la modification des sols ou des émissions directes (élevage etc) et enfin l’industrie dont l’extraction énergétique, la sidérurgie ou la confection des ciments.
L'empreinte carbone par habitant
Lorsqu’on parle de gaz à effet de serre, on rapporte souvent les émissions par pays à l’empreinte carbone par habitant. Même si celle-ci est souvent très inégale entre les populations les plus riches et les moins aisées, elle est un indicateur assez fiable du niveau de vie moyen d’un pays et du virage que leurs sociétés doivent prendre en termes de consommation d’énergies fossiles.
L’empreinte carbone par habitant correspond à l’ensemble des gaz à effet de serre rejetés par un être humain dans le cadre de sa vie, de sa consommation (alimentation, logement, achats de biens et services), de ses activités (transport, loisirs etc.) et de ses dépenses publiques (santé, administration etc.)
En 2019, selon les chiffres du ministère de la transition écologique et de MyCO2, l’empreinte carbone moyenne d’un français était de 9,9 tCO2eq par habitant et était répartie de la manière suivante.
Pour atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici à 2050, les français doivent diviser en moyenne par 5 leurs émissions de carbone, pour arriver à 2 tCO2eq par habitant.
Mais dans l’atteinte de cet objectif, les responsabilités ne sont pas les mêmes dans la population (nous y reviendrons dans un prochain article) car les très hauts revenus de nos sociétés sont bien souvent ceux qui doivent le plus réduire leur empreinte carbone, et les revenus les plus modestes ont pour la plupart déjà atteint cet objectif (aujourd’hui, 50% de la population française émet en moyenne 6 tCO2eq par an).
De la même manière, quand on s’intéresse à la répartition des émissions de GES par habitant au niveau mondial, on observe une corrélation très forte entre émission et richesse ou niveau de vie d’un pays.
Pour calculer votre empreinte carbone personnelle et comprendre les axes sur lesquels vous pouvez agir, vous pouvez le faire sur le site de l’ADEME.
Les gestes individuels comptent mais sont loin d’être suffisants pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. Selon plusieurs études, agir à échelle individuelle permettrait une baisse de 25% à 30% des émissions globales, ce qui n’est pas négligeable, mais pas suffisant.
Pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050 et contenir le dérèglement climatique, des mesures plus structurelles devront être prises. Il en va de la responsabilité des États et de la communauté internationale.
Nous allons voir que quand il s’agit de responsabilité en termes d’émissions, les pays du monde ne sont pas tous égaux.
Tour d’horizon des pays émetteurs de gaz à effet de serre
Émissions intérieures et émissions importées
Avant de dresser la liste des pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre, il est important de revenir sur un point primordial dans la mesure de la responsabilité climatique des pays : la différence entre les émissions intérieures et les émissions importées.
Mettre l’accent sur cette différence permet de situer plus justement la responsabilité de nos modes de vies et des sociétés industrialisées dans le réchauffement climatique de la Terre.
Les émissions intérieures correspondent aux émissions de GES enregistrées directement sur le territoire national (production intérieur, transport intérieur etc.)
Les émissions importées correspondent quant à elles aux émissions enregistrées à l’étranger pour une consommation nationale (la France dans notre exemple).
Dans un contexte de mondialisation où une partie de nos biens sont consommés en France mais produits à l’étranger, il est nécessaire de toujours prendre en considération ce paramètre d’importation.
Par exemple, l’utilisation d’appareils électroniques comme nos smartphones sont produits en Chine, mais sont consommés en France, donc les émissions de GES issus de cette production se font en Chine. Si on ne prenait pas en compte les émissions importées, ces smartphones n’auraient aucune incidence sur notre empreinte carbone, alors qu’à l’échelle mondiale, ils ont un impact important.
Il est nécessaire de toujours considérer ce paramètre car si on considérait seulement les émissions intérieures, on pourrait croire que la France est sur la bonne trajectoire de réduction. Alors qu’en comptabilisant les émissions liées à nos productions hors de France, les courbes ne font part d’aucune baisse, comme en témoigne le graphique ci-dessous.
Une responsabilité historique des pays riches
Les chiffres sont indiscutables. Aujourd’hui, 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont issues des seuls pays du G20.
Même si la part de ces émissions mondiales a tendance à se déporter sur les pays “en développement”, les pays industriels ont un poids sans pareil dans les émissions de gaz à effet de serre accumulées depuis le début de l’ère industrielle, et ce pour deux raisons :
- Jusqu’au milieu des années 1980, l’Europe et les Etats-Unis comptabilisaient plus de la moitié des émissions
- Aujourd’hui, les modes de vie de nos sociétés impactent significativement notre responsabilité, en cause, la mondialisation et l’exportation de nos usines de production vers des pays au coût de travail plus attractif.
En témoigne le graphique ci-dessous, celui-ci illustre la part que les sociétés occidentales ont occupé dans les émissions depuis 1860.
En Europe, malgré une diminution du volume d’émissions depuis les années 90, on voit bien qu’en accumulant les données depuis le milieu du 19ème siècle, notre responsabilité dans les émissions de GES est grande.
Pouvons-nous désormais nous permettre d’exiger des pays les moins favorisés (eux-mêmes en première ligne face aux conséquences du dérèglement climatique) de stopper leur développement sous prétexte que les conditions climatiques s’empirent, conséquences elles-mêmes causées par les pays industrialisés ?
C’est tout l’enjeu d’une transition juste et équitable.
Accepter que nos sociétés prennent un virage dans leurs modes de production et de consommation, accepter que les pays les moins développés puissent émettre pendant un temps un volume d’émissions plus important que nous, pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050 dans un esprit de justice mondiale et sociale.
Quelles trajectoires pour la réduction des émissions de GES ?
Alors que le GIEC vient de publier le dernier volet du 6ème rapport sur l’évolution du climat, que les échéances de réduction drastique de nos émissions se rapprochent et que le climat ne cesse de s’emballer, d’années en années, comment se dessinent les trajectoires de réductions de ces gaz dans le monde et nos sociétés ?
Les données sont sans appel. Si nous poursuivons sur la dynamique actuelle, nos sociétés se dirigent vers une augmentation de +3,2°C des températures moyennes sur notre planète d’ici à 2100.
Un chiffre qui a de quoi nous alarmer puisque les scientifiques sont incapables de prédire les transformations écosystémiques qui pourraient avoir lieu au-delà d’une augmentation de 2°C des températures. Un chiffre encore plus alarmant quand on observe l’emballement récent des catastrophes alors que nous enregistrons une augmentation de “seulement” 1°C depuis la fin du 19ème siècle.
Nous pouvons observer ci-dessous les différentes trajectoires que l’augmentation des températures pourrait prendre si nous arrivons, ou non, à contenir nos émissions de GES.
Pourtant, 7 ans après la signature des Accords de Paris ayant fixé pour objectif une stabilisation de l’augmentation des températures à 1,5°C, les politiques internationales sont loin de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour tendre vers cet objectif.
Pendant la pandémie qui a frappé la planète au cours de l’année 2020, de nombreux pays du G20 ont accordé des mesures de soutien économique sans précédent aux entreprises du secteurs des énergies fossiles et de l’aviation.
Des mesures que l’on pourrait qualifier de schizophrènes quand on sait que ce sont très exactement ces énergies fossiles qui sont majoritairement responsables de l’augmentation de la concentration des GES dans l’atmosphère.
Pire encore, il est inquiétant d’observer que durant la dernière COP climat qui s’est déroulée à Charm el-Cheikh en Egypte en novembre 2022, plus de 600 lobbyistes de l’industrie des énergies fossiles étaient présents pour défendre les intérêts de leur secteur, soit plus que le nombre de représentants des dix pays les plus touchés par le changement climatique (Porto Rico, la Birmanie, Haïti, les Philippines, le Mozambique, les Bahamas, le Bangladesh, le Pakistan, la Thaïlande, et le Népal) et 25% de plus que lors de la COP 26 de Glasgow.
Nous avons seulement abordé ici les émissions de GES et l’empreinte carbone. Nous n’avons pas parlé de l’empreinte écologique qui, plus globale, doit constituer une unité de mesure tout aussi, voire plus importante, car elle tient compte d’un champ d’analyse plus complet quant à l’impact de nos modes de vies sur le système Terre.
Pour aller plus loin
- Le Grand Livre du Climat, Greta Thunberg, Éditions Calmann Levy, 2022
- Allas de l'Anthropocène, François Gemenne, Aleksandar Rankovic et Atelier de cartographie de Sciences Po, Éditions Presses de Sciences Po, 2021
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